J'ai encore menti by Gilles Legardinier

Auteur:Gilles Legardinier [Legardinier, Gilles]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Humour
ISBN: 9782081420304
Goodreads: 41827707
Éditeur: Gallimard
Publié: 2018-10-10T04:00:00+00:00

35

— Savez-vous pourquoi maman nous a abandonnés ?

Mes frères me regardent comme si je leur avais annoncé que le Père Noël n'existait pas. Vanessa, qui a parfaitement saisi l'importance du sujet, se fait discrète et s'éclipse dans le salon en nous laissant tous les trois dans la cuisine.

— Pardon si la question vous semble abrupte, mais si j'ai su quelque chose, je ne m'en souviens plus, et c'est la première fois que nous nous retrouvons tous les trois sans papa, devant qui je ne veux pas en parler. Le sujet est extrêmement sensible pour lui.

Théo se cale contre le rebord de son évier. Visiblement, ma question le remue, mais c'est Antonin qui prend la parole le premier :

— J'étais vraiment petit quand c'est arrivé. Je ne me souviens de rien. Pour moi, on a grandi sans maman, c'est tout.

— Tu ne t'es jamais posé de question ?

— Bien sûr que si, mais à l'école, je voyais bien que je n'étais pas le seul à vivre une situation atypique. Entre ceux qui subissaient des gardes alternées conflictuelles, certains autres qui prenaient des coups… Notre mode de vie était loin d'être le pire, et notre mère n'était pas la seule de toutes les mamans à être absente. Par rapport à d'autres, nous ne manquions de rien. Je vous avais, toi et Théo, et papa assurait.

— Tu n'as jamais eu envie de savoir pourquoi elle était partie ?

— Peut-être que ça te paraîtra bizarre, mais non. Évidemment, j'ai imaginé des choses – un autre homme, une faute de papa, une incapacité à accepter la charge que nous représentions… Mais personne ne semblait vouloir en parler. Ce n'était pas moi, le plus jeune, qui allais remuer tout ça pour obtenir une réponse qui, de toute façon, ne changerait rien.

Théo soupire et lâche :

— Une fois, j'en ai parlé à papa. Nous étions en vacances. Nous revenions avec vous deux d'une longue marche dans les montagnes. Antonin jouait dehors et tu étais partie prendre ta douche. Je devais avoir quinze ans à l'époque. Quelque temps auparavant, j'avais entendu papa pleurer au téléphone. J'ignore à qui il parlait, mais je suis certain que c'était à une femme. Il n'a pas su que j'avais entendu, mais ça m'a travaillé. J'y pensais tout le temps, surtout la nuit. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai eu l'impression que cet appel était directement lié à notre mère.

— Tu ne m'en as jamais parlé, intervient Antonin.

— À quoi bon ? Je n'avais pas envie de te plomber avec des problèmes auxquels moi-même je ne comprenais rien.

Je le presse :

— Qu'a dit papa quand vous en avez discuté ?

— À ce retour de randonnée, j'ai eu l'impression que les conditions étaient propices pour une discussion. Je suppose qu'inconsciemment, j'attendais le bon moment. C'était le sujet le plus délicat que j'aie jamais abordé avec lui. À côté, même les poils ou les filles, c'était du gâteau. J'ai simplement demandé où était notre mère.

— Qu'est-ce qu'il a répondu ?

— Pas grand-chose. Il s'est assis.

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